" J'ai toujours trouvé la passion incroyablement surestimée, eu égard au ratio énergie / satisfaction qu'elle procure."
Nelly Alard aurait pu intituler son roman "Autopsie d'une infidélité" ! On y est plongé dans le quotidien d'un couple qui se déchire et souffre suite à un moment d'égarement, il l'appelle "abandon" et en rejette toute responsabilité. Il tient un discours ambigu insupportable tandis que sa femme souffre, dévastée par cette trahison inattendue. Les deux points de vue s'alternent en un enchaînement fluide.
J'ai trouvé ce roman un peu oppressant et assez juste. Même s'il s'agit d'un thème quasi universel, chaque cas d'infidélité est un cas d'espèce, chaque couple l'affronte à sa manière... Certains sont prêts à tout pardonner, d'autres se retranchent dans une diginté blessée, certains infidèles rejettent la faute sur l'autre, d'autres basculent dans la dépression. Mais c'est toujours un moment douloureux et complexe qui fait voler le couple en éclats pour éventuellement le reconstruire sur d'autres fondements et "Moment d'un couple" retranscrit parfaitement ce moment où tout bascule.
L'histoire tourne malgré tout un peu en rond, sûrement à l'image de la difficulté à se sortir de ce moment où tout ramène sur une mauvaise pente glissante... Mais elle fait réfléchir sur le sens différent que chacun donne à des mots pourtant identiques.
"Besoin. Elle détestait ce mot. Le besoin n'avait rien à voir avec l'amour. L'idée même de besoin physique à assouvir, lorsqu'il s'agissait de sexe, la révulsait.. Elle n'admettait quant à elle que le désir, qui pouvait parfois être violent, mais le désir n'exigeait rien, le désir lorsqu'il était comblé ne suscitait qu'émerveillement, gratitude, au contraire du besoin qui était revendicatif, hargneux, qui allait de pair avec le droit, le droit qu'on croyait avoir sur les autres, comme si l'amour pouvait jamais être autre chose qu'un cadeau, un miracle entre deux êtres."
"On ne le dit pas assez mais un âge n'en chasse pas un autre, tous les âges qu'on a vécus coexistent à l'intérieur de soi, ils s'empilent, et l'un prend le dessus au hasard des circonstances. Au final tout cela n'a qu'un rapport très vague avec le temps qui nous sépare de notre naissance cette histoire d'âge, enfin c'est ce qu'il lui semble."
"Est-ce que tu ne crois pas, demande-t-elle, qu'à un moment un amour devient unique parce qu'on l'a choisi, est-ce que tu ne crois pas qu'on décide d'aimer, de continuer à aimer, de ne plus aimer ? Est-ce que tu es d'accord qu'il y a une part de volonté dans l'amour ?"
"Dire je t'aime, pense Juliette, c'est s'inscrire dans la durée, pas comme dire j'ai envie de toi ou je suis bien avec toi. Dire je t'aime, V a raison, c'est un serment, ça inclut le temps et la globalité, j'aime tout ce que tu es, je t'aimerai toujours ou en tout cas longtemps. On ne peut pas dire je t'aime puis cinq minutes après je ne t'aime plus, mais quinze ans plus tard oui, quelle est la durée de vie implicite du mot je t'aime ?
Pour combien de temps on signe quand on dit ça ?
C'est quoi la durée du bail ?"
"Ce truc qu'avaient les femmes avec les mots. Dire je t'aime lui semblait à lui tellement dérisoire. Il lui semblait que l'amour était un continuum de milliards d'instants juxtaposés d'amour de haine de désir de rejet d'indifférence comme les petites cases rouges et noires d'une roulette, tant que la roue tourne à pleine vitesse on ne voit qu'une couleur uniforme lorsqu'on arrête la roue à l'instant T on court un risque,
Le risque de ne pas tomber sur la bonne case,
Le risque de perdre sa mise."
"C'est ce désir-là qui manque tellement, dit-elle, pas le plaisir. N'est-ce pas ?"